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Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/176

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l’appel d’une sirène, qui beugle comme une vache à la porte de l’enclos, c’est un paquebot qui sort de la rade, en route pour l’Europe peut-être… Jean Talbot suit, dans un demi rêve, les bruits familiers de la mer : sans voir le soleil, il compte les temps de sa course. L’heure va jaunir où l’œil de feu se tiendra suspendu sur la colline boisée… Un bateau, d’un cri strident, siffle : il entre… d’où vient-il ; quel port ? quel pays ?

Sur sa terrasse, Jean Talbot attend la guérison. Un vieillard gigantesque, que guide un enfant rieur, vient à lui. Il est presque nu ; il montre un torse magnifique, aux muscles pleins qui roulent sous la peau, comme de trop beaux fruits veulent jaillir de la gaine mûre. Ce géant n’a pas les gestes mignards des petits Japonais, ni leur pas d’insecte qui sautille.