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Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/178

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pas plus solennel ni plus vénérable. Aux mains du masseur aveugle, Jean Talbot sent toute sa faiblesse ; mais sa chair douloureuse se détend et fibre à fibre se délasse. Il parle à cet étrange aïeul, géant aveugle et glabre, pareil aux mires des légendes, et qui semble sortir d’un temple perdu au fond de la forêt des âges. L’aveugle sourit et répond à voix basse, sans cesser de pétrir les muscles malades. Il réplique avec courtoisie aux quelques mots que Jean Talbot sait lui dire dans sa langue ; il se prête à relever les fautes que l’étranger doit commettre contre les termes et l’accent. Cependant, Jean Talbot flatte, de la main, le dos et les épaules larges du vieux courbé sur son lit. Et quand le secourable aveugle, s’en allant, lui dit : « Toi, du moins, tu n’es pas un barbare », le blessé respire avec plus de