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Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/184

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gieuse s’approche gaiement. — « Donnez, ma sœur, donnez, je vous en prie. Est-ce pour moi ?… » Elle lui remet ces carrés de papier, plus précieux que les étoiles. Il les tient ; il reconnaît l’écriture ; elle replace sous ses yeux la chère main, le cher visage. Il ouvre les plis, tous à la fois. Il ne sait par où commencer, il en prend un ; et, contre lui, il serre les autres. Il entend, à travers la mer et toute l’épaisseur sourde de la terre, ce premier cri que l’angoisse m’avait arraché. Il l’entend, cette fois…

Et alors, lui qui, depuis tant de jours, avait été si stoïque et comme impassible à ses propres craintes, le voilà qui baisse la tête, qui cache ses yeux brillants derrière les lettres, et qui pleure en silence, qui pleure de bonheur, qui pleure si doucement.