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Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/197

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celui qui l’éprouve. Les autres s’en défient ; elle leur pèse, et ils en ont peur, peut-être. Ils y découvrent un pays de la soif, où ils ne veulent pas entrer. Ils se refusent à faire ce voyage. Vivre pour soi, ne s’attacher à rien : c’est la sagesse. C’est l’antique renoncement à l’amour. Qui ne se console pas, il aime. La vie ne veut point d’un amour qui peut préférer son objet à la vie même.

Bien peu sont si blessés dans leur amour, qu’il ne leur soit pas précieux d’y survivre. Ils s’en vont donc en exil. Les autres, une trop grande douleur les offense. On n’envie que la joie ; mais on tire vanité de la douleur, tant elle est le fond de la nature humaine. Trop de douleur offense : c’est la seule grandeur où les hommes ne veulent pas prétendre, vu le prix qu’il en coûte. Et trop de douleur