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Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/265

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— Ne compte pas avec l’amour. Paie de tout ton cœur. Tu te dois à la vie, puisque tu te dois à moi, mon bien aimé.

— Pourquoi, pourquoi me demander cette halte encore sur la route déserte ? Va, pour moi aussi, bientôt, c’est l’anéantissement. Absous-moi de te survivre. Tu veux que je demeure, pour souffrir tous les tourments de la soif, de l’inanition, des blessures à travers le cœur, et de l’amour calomnié ?

— Je le veux, frère chéri. J’attends de toi le printemps de mon âme, et la moisson. Lève-toi. Va. Sois fort. Sois-moi fidèle. Je suis à tes côtés. J’attends l’heure de ta suave création.

— Je n’y crois plus.

— C’est cela, c’est cela ; livre-toi à la vie, sans y croire. Elle est pleine de moi, tant que tu y es. Que seras-tu, dis-moi,