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Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/49

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Je revois cette chair fraternelle, le crâne parfait dont j’aimais à presser entre mes mains la longue et forte olive, l’ardent miroir du front, la belle main au bout du poignet mince, brun et long, et l’étroite cheville. Mais ses yeux, ô mon âme, ses yeux ?… — Qu’est-ce donc que la mort pour ne pas même épargner les yeux vivants de ceux que nous aimons ?

Si tu savais… Après toi, je ne suis qu’un grand sanglot. Si tu savais… Tu sortirais de ce lieu et de ce sommeil terribles. Non, il vaut mieux que tu ne saches pas.

Je pars, et tu me retiens. Tu demeures, et je te prends avec moi. Je ne suis plus ce que je suis. Tu n’es plus ce que tu es. Je t’emporte sur la voie déserte, où il faut que je finisse ma route, sans savoir pourquoi, par d’obscures étapes, pour un