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Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/67

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perfide du vent, je vais dans la forêt muette, je marche sur d’autres feuilles. Tout est mort, ou tout se meurt. Les arbres dépouillés tendent les bras, comme des vieillards désespérés qui supplient un vainqueur sans entrailles. Sur un coteau, à travers les branches rouillées, le soleil douloureux me précède à l’occident. Sa face auguste, dans le brouillard, est voilée d’une effusion divine.

Les feuilles tremblent. Rien ne persiste qu’un désespoir inapaisable. L’unique désir de la rédemption se renie lui-même, comme ces feuilles mourantes tombent sur ces feuilles mortes.

L’abandon, voilà ce qu’il y a de plus affreux. Quoi qu’on fasse, on abandonne ce qu’on aime. On le quitte, comme on se quitte à son insu. L’insensé, l’automate et l’aveugle univers nous emporte. À l’é-