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Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/97

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Déjà, un pêcheur des îles a ramené dans son filet un corps sans mains, ni bras, ni tête. La mer l’a dépouillé du dernier geste, de l’adieu qu’il a fait à la terre, dans les transes. Car les doigts du mourant cherchent les doigts du frère et de la mère.

Ceux du Vienne sont perdus. Leur désastre accomplit celui de mon enfant. Je pense à ceux qui vous aimèrent et qui demeurent, pauvres gens. Leur angoisse est la mienne. Mon cœur a battu dans la détresse avec le leur.

Vieux pères, qui ne verrez plus vos fils, dans ma douleur j’ai pris aussi la vôtre. Impatients, vous ne viendrez plus les attendre au port, quand ils débarquent pour le flot, ou, quand ils rentrent au bourg, sur le seuil de la maison. Et leurs jeunes femmes ne leur tendront plus