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Page:Sue - Atar-Gull et autres récits, 1850.djvu/44

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il se trouvait dans une grotte immense, éblouissante de diamants, de topazes et de rubis qui étincelaient, scintillaient en gerbes, en cercles et en pyramides chatoyantes.

Sur un trône taillé d’une seule émeraude était une divinité majestueuse.

Une couronne d’étoiles de feu flamboyait sur ses cheveux noirs ; le zodiaque, gravé sur sa ceinture d’or, était relevé par des émaux diaprés ; une tunique blanche, un voile bleu, brodé de fleurs d’argent et de perles, puis des brodequins couleur d’azur formaient son noble vêtement.


Théodrick.

« Je t’attendais, — disait la divinité en faisant asseoir l’enfant auprès d’elle : — vois, cet empire est le mien, quand je le veux les tempêtes grondent et mugissent ; d’un mot, je fais pâlir les marins les plus intrépides : c’est par ma volonté que ton vaisseau s’est brisé sur les rochers… je voulais te voir… car tu es mon fils… Tiens, juge, et sois fier de la puissance de ta mère. »

Aussitôt un bruit affreux se fait entendre, toute lumière disparaît, un froid mortel se répand dans la caverne, la terre tremble, les voûtes sont ébranlées, c’est le vent du nord qui rugit, et dont les lugubres sifflements retentissent d’échos en échos…

« Je veux que le calme renaisse, — dit la divinité, et qu’il vienne caresser mon fils. »

Et une douce chaleur, un parfum délicieux, une éclatante lumière, un bruissement léger comme celui du feuillage qu’une faible brise agite et balance, remplacent cet horrible ouragan.

Un joli nuage, ressemblant à de l’air condensé, mélangé d’or, de pourpre et de soleil, chargé d’une poussière de roses et de jasmin, se balançait au milieu de la grotte et s’y évaporait en merveilleuse senteur, en éblouissante clarté.

Le jeune homme, entouré de cette vapeur transparente et embaumée, se fondait dans un océan de délices ; son état d’extase se rapprochait de toutes les sensations, de tous les sentiments, de toute espèce de jouissance.

Et la divinité se penchait à son oreille en lui disant :

« Ce bonheur ineffable n’est pourtant rien auprès de celui que tu goûteras auprès d’elle, car elle t’aimera… car tu es un de mes fils ; je te laisse sur la terre, mais je veille sur toi… »

Et la divinité le baisait au front… et tout disparaissait…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Et il se trouvait couché dans un lit moelleux, couvert d’édredon, entouré de glaces et de soie, sa tête reposait sur de magnifiques dentelles, et elle était là, celle dont le souvenir l’avait tant de fois mis hors de lui, celle qui devait l’aimer, avait dit la divinité. Elle était là, à genoux, près de lui, une cuiller d’or à la main, ses beaux sourcils un peu froncés par l’inquiétude, lui offrant un cordial suave et parfumé.

« Oh ! mon Dieu, — dit-il, — oh ! madame, c’est vous… mais où suis-je ?… j’ai donc fait un rêve ?… cette éblouissante caverne… cette divinité… — Pauvre enfant, remettez-vous, — dit la jolie femme. — Un affreux coup de vent a brisé votre navire, des pêcheurs vous ont trouvé presque mourant sur la côte, à l’entrée d’une grotte, et vous ont apporté ici, chez moi, à Brest ; mais votre blessure était si grave, si grave, que j’ai demandé comme une faveur de vous soigner. — Ah… oui ; mais en vous voyant, madame, j’avais oublié ma blessure… »

Et il fallait voir quelle délicieuse expression de candeur voilait ses beaux yeux timidement baissés.

Et elle se disait en souriant : « Il a l’air d’une fille, et pourtant si jeune, si joli, tout cet équipage de vieux matelots qu’il a conduit au feu, tremblait à sa voix… comme je tremble moi-même, — pensa-t-elle en rougissant. — Madame… est-ce que j’aurai le bonheur de rester longtemps ici ? — Jusqu’à ce que votre guérison soit complète, mon enfant… — Ah ! » dit-il… en fixant des yeux ravis sur la belle et voluptueuse figure de sa protectrice… mais peu à peu il pâlit… et perdit connaissance. Cet espoir de bonheur était au-dessus de ses forces.

« Grand Dieu ! il se trouve mal, » cria la jolie femme en se penchant

à un cordon de sonnette qu’elle agita violemment.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Et quinze jours après, il souffrait moins, sa figure était encore un peu pâle, mais cette pâleur lui allait si bien… disait la dame aux sourcils noirs.

Et un jour qu’il rêvait, assis devant un beau portrait de cette ravissante personne, elle entra.

Elle ne lui avait jamais semblé plus belle.


Jenny.

« Arthur, — lui dit-elle en se plaçant sur un doux sofa, — j’ai une bonne nouvelle à vous annoncer. Venez près de moi, mais ne tremblez pas, comme toujours. »

Le jeune homme n’osait lever les yeux, et son cœur battait bien fort…

« On vous accorde un congé de trois mois pour vous rétablir, et après vous viendrez prendre possession de votre nouveau grade… Ces trois mois, — ajouta-t-elle à voix basse, — nous les passerons… à ma terre. Le voulez-vous ? »