Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/512

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moi qui pourtant t’aimais, te respectais comme ma sœur… je t’injuriais cent fois par jour…

— Tu m’injuriais ?

— Et que faisais-je donc, en te donnant sans cesse un sobriquet odieusement ridicule… au lieu de t’appeler par ton nom.

À ces mots, la Mayeux regarda le forgeron avec effroi, tremblant qu’il ne fût instruit de son triste secret, malgré l’assurance contraire qu’elle avait reçue de mademoiselle de Cardoville ; pourtant elle se calma en pensant qu’Agricol avait pu réfléchir à l’humiliation qu’elle devait éprouver à s’entendre sans cesse appeler la Mayeux. Aussi répondit-elle en s’efforçant de sourire :

— Peux-tu te chagriner pour si peu de chose ? C’était, comme tu le dis, Agricol, une habitude d’enfance… Ta bonne et tendre mère, qui me traitait comme sa fille… m’appelait aussi la Mayeux, tu le sais bien.

— Et ma mère… est-elle aussi allée te consulter sur mon mariage, te parler de la rare beauté de ma fiancée, te prier de voir cette fille, d’étudier son caractère, dans l’espoir que l’instinct de ton attachement pour moi t’avertirait… si je faisais un mauvais choix ? Dis, ma mère a-t-elle eu cette cruauté ? Non… c’est moi qui ainsi te déchirais le cœur.