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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/123

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— On ne saurait, monsieur, pousser l’obligeance plus loin que vous ne la poussez, en voulant bien me renseigner si minutieusement sur les moyens de guérir ma migraine, et je profiterai certainement de vos excellents conseils, — répondit San-Privato toujours maître de lui. — Puis-je espérer que l’assurance que je vous donne, monsieur, mettra un terme à cet entretien sur ma santé, entretien beaucoup trop prolongé, je le crains ?

— J’insistais autant sur ce sujet, monsieur, parce que nous sommes absolument en famille, ainsi que l’a fait observer M. Dumirail, — répondit Charles Delmare ; j’avais été, d’ailleurs, très-touché du désir exprimé par madame votre mère, qui, dans la tendre jalousie de son affection maternelle, regrettait que vous ne fussiez pas doué de l’excédant de santé dont jouit notre cher Maurice.

— Et moi, je suis certain que, lorsque nous serons là-haut sur les plateaux, l’air de la montagne, s’il ne guérit pas complétement ta migraine, mon cher Albert, la soulagera du moins beaucoup, — dit Maurice ; — et, si ma tante et ma mère le veulent, nous allons partir.

— Soit ! — répondit madame Dumirail ; — si toutefois, mon ami, — ajouta-t-elle s’adressant à Albert, — tu ne crains pas la fatigue de cette promenade. Tu pourras, d’ailleurs, venir en chariot avec ta mère, ta cousine et moi.

— Je préfère, si vous le permettez, ma tante, aller à pied, tout en regrettant de ne pas faire la route avec vous. Je suis de l’avis de Maurice : cette promenade me sera salutaire.

— En ce cas, je vais m’assurer que le chariot est prêt, — dit Maurice en se levant.

Et il reprit gaiement :

— Ce sera, chère tante, un attelage des temps mérovingiens : nos deux plus beaux bœufs, Atlas et Hercule, traîneront le char rustique ; car, tu le sais, nos chevaux ne pourraient gravir la pente escarpée des plateaux.

— Me crois-tu donc si novice en excursion de montagnes, mon gros Maurice ? N’avons-nous pas ainsi monté au chalet, lors de mon dernier séjour au Morillon ?

Et, profitant du moment où elle pouvait être entendue de Charles Delmare, qui sortait du cabinet de verdure avec ses amis, madame San-Privato dit à sa nièce, en lui désignant du regard Maurice, qui s’éloignait :

— Vois donc, Jeane, est-il solidement bâti, ce bon gros Maurice ! Quel cou de taureau ! et ces épaules !… Je gage qu’à l’instar