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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/194

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la jeune fille qu’elle voyait emporter, se jeta essoufflée au cou d’Albert en répétant :

— Chargé d’affaires ! mon Albert… Nous allons partir en voiture à quatre chevaux… Le courrier est venu te chercher au chalet et nous a appris que tu étais nommé chargé d’affaires, en l’absence du prince de Serra-Nova, rappelé subitement à Naples… de sorte que tu vas représenter ton souverain à la cour de France… Te voilà quasi ambassadeur ! Mon pingre de frère et mon odieuse belle-sœur sont capables de crever de dépit et d’envie !

— Eux mourir ?… Non, non, ma mère… ils feront mieux que cela pour votre haine… ils vivront ! — répondit San-Privato avec un sourire affreux.

Et, après avoir froidement répondu à l’expansion de l’orgueil maternel, il réfléchit et dit :

— Ce brusque départ contrarie fort mes projets… et risquerait de les compromettre… de les ruiner peut-être… si heureusement je ne laissais ici ce Charles Delmare… pour mon chargé d’affaires… à moi.


XXXIII

Charles Delmare et Maurice, selon leur convention, cachèrent à M. et madame Dumirail, qu’ils rencontrèrent bientôt, la véritable cause de l’évanouissement de Jeane, l’attribuant à la réaction de l’effroi où l’avait jetée le péril couru par elle et par Albert en voulant se rendre à la grotte de Treserve.

Le chalet était voisin ; Jeane y fut transportée, puis couchée sur le lit des métayers. Madame Dumirail resta près d’elle, afin de lui donner ses soins, et son mari, instruit déjà par sa sœur de son départ subit, se chargea de la reconduire, ainsi que son fils, au Morillon ; Jeane, encore trop faible et trop souffrante pour descendre du chalet, y passerait la nuit avec madame Dumirail.

Maurice déclara ne vouloir pas quitter la montagne sans être rassuré sur les suites de l’indisposition de sa fiancée ; puis, afin de s’épargner les adieux et surtout la vue de San-Privato, il ga-