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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/276

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votre heureuse fiancée… Je sais qu’après avoir eu un goût très-vif pour la vie rustique, vous venez à Paris, afin de suivre un cours de droit et d’entrer dans la carrière diplomatique. Que vous dirai-je ?… et, ne souriez pas de ces détails… je sais jusqu’au nom de votre brave poney Petit-Jean, et aussi les noms de vos bœufs favoris, Hercule et Atlas…

— Je reste confondu, — dit Maurice abasourdi ; — mais, de grâce, comment savez-vous… ?

— Cette question, Maurice, est la seule à laquelle je ne puisse répondre.

— Pourquoi cela ?

— Un serment me lie…

— Un serment ?

— Oui, Maurice ; j’ai juré par la mémoire de ma mère de ne jamais vous révéler par quel mystère je suis si bien informée de ce qui vous touche.

— Mais encore… ?

— Maurice, mon ami, je vous le demande en grâce, ne m’interrogez jamais à ce sujet ; épargnez-moi le chagrin de ne pouvoir satisfaire votre curiosité. Elle doit être vive, je le comprends ; mais que vous importe le secret que j’ai juré de garder, pourvu que vous soyez convaincu que mon inaltérable amitié pour vous a des racines profondes dans le passé ? Elle est sainte, allez, cette affection ; j’espère vous le témoigner de jour en jour davantage : aussi, savez-vous, mon ami, quel serait mon orgueil, mon plus cher orgueil ? Ce serait de prendre sur vous, grâce à mon dévouement sans bornes, une heureuse et salutaire influence ; mon plus vif désir serait de vous préserver des dangereux écueils que la vie de Paris offre à chaque pas à ceux-là qui, comme vous, sont confiants, parce qu’ils sont purs, généreux et pleins de foi dans le bien ; mais dites-moi d’abord, et j’attache une extrême importance à votre réponse, quelle impression vous ont causée jusqu’ici l’aspect et le séjour de Paris ?

— Ah ! madame, j’ose à peine vous le dire.

— Achevez, de grâce, Maurice ! Croyez-moi, la question que je vous adresse est de la dernière importance.

— Eh bien ! vous ne pouvez vous imaginer l’espèce d’étourdissement mêlé de pénible angoisse que m’a causé l’aspect de Paris. Je me suis senti tout autre ; mille pensées nouvelles, mille désirs inconnus se sont soudain éveillés en moi. Tenez, hier, je suis allé avec ma mère et Jeane, ma fiancée, me promener aux Champs-Élysées, selon le conseil de notre hôtelier ; nous verrions là, disait-