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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/298

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— Tout ce que vous pouvez raisonnablement souhaiter, je n’en doute pas ; en ce cas, j’insiste de nouveau là-dessus : que vous importe d’emprunter ces vingt mille francs ? Vous me les restituerez s’ils vous sont inutiles. Cet emprunt sera resté secret ; mais vous vous serez du moins prudemment nanti d’une somme suffisante pour parer à toutes les éventualités.

— Quoi ! — dit Maurice cédant de plus en plus à la tentation, — vous ne pouvez pas, du moins, m’accorder quelques jours de réflexion ?

— Mon patron m’attend à six heures pour connaître votre réponse : il est cinq heures et demie. Il faut donc, monsieur, qu’avant un quart d’heure vous vous soyez prononcé par oui ou par non. Or, je vous le déclare, votre refus non-seulement rompra cette affaire, mais rendra impossibles celles qui auraient succédé à la première. Croyez-moi, je connais la place de Paris ; vous trouverez difficilement, ou plutôt vous ne trouverez pas de longtemps des offres aussi avantageuses que celles que j’ai l’honneur de vous faire, monsieur, et pour le présent et pour l’avenir.


LVI

Maurice, en proie à une cruelle perplexité, hésitait à profiter des offres usuraires qu’on lui faisait ; tantôt subissant encore l’influence des bons principes de sa jeunesse, se rappelant l’ineffable bonté de son père et de sa mère, les sages conseils de Charles Delmare, ses saisissantes peintures des terribles suites de la dissipation, Maurice sentait que son avenir dépendait de son premier pas dans la voie ruineuse et fatale à lui si complaisamment ouverte par l’usure.

Alors, effrayé, il voulait résister à la tentation.

Mais soudain il songeait que, le lendemain matin, arriveraient chez lui des fournisseurs de toute sorte, depuis le tailleur jusqu’au joaillier, sans compter un valet de chambre d’excellente maison, envoyé par le maître d’hôtel de madame de Hansfeld, et peut-être