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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/37

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— Je m’enorgueillis d’un si grand honneur, noble sire ; mais mon peu de mérite ne me permet pas d’aspirer à une si belle royauté… — répondit Jeane, non moins rougissante, non moins confuse que Maurice, et qui, ainsi que lui, sentait sa gaieté s’effacer soudain devant une émotion douce et grave à la fois.

Puis, d’une voix légèrement altérée, la jeune fille ajouta, en prenant le petit chapel d’herbes vertes et de fleurs que lui offrait son cousin :

— Je garderai toutefois précieusement, noble sire, cette chère petite couronne… comme un gage du bon vouloir dont vous m’honorez.

Les moindres péripéties de cette scène presque enfantine entre Jeane et Maurice avaient été très-attentivement observées par Charles Delmare, M. et madame Dumirail ; tous trois, ne pouvant en ce moment se communiquer le résultat de leurs observations, parurent également plus charmés encore que surpris de l’offre faite à Jeane par son cousin et du trouble croissant des deux jeunes gens, demeurés silencieux près l’un de l’autre et semblant craindre d’échanger un regard… M. et madame Dumirail s’adressèrent l’un à l’autre un signe d’intelligence et se levèrent du banc où ils étaient assis.

— Mon ami, nous aurions, ma femme et moi, à vous entretenir assez longuement, — dit M. Dumirail à Charles Delmare ; — si vous le voulez, nous rentrerons à la maison.

Charles Delmare, M. et madame Dumirail se dirigèrent vers le Morillon, suivis de Jeane et de Maurice, interdits, presque attristés, essayant, mais en vain, de renouer leur entretien avec leur confiance et leur gaieté habituelles ; tous deux s’empressèrent de regagner leur chambre, afin de songer à loisir au changement qui jetait soudain une sorte de contrainte dans leurs relations, jusque alors si familières, si fraternelles.