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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/408

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— Mon fils ! — s’écria madame Dumirail en se dirigeant vers la porte, — que lui est-il arrivé ?…

— Pour l’amour de Dieu ! madame, prenez garde, — s’écria Josette essayant de barrer le passage à sa maîtresse, — pour l’amour de Dieu ! madame, n’allez pas dans l’antichambre !

— Grand Dieu ! mon fils est blessé, mourant peut-être ! — reprit madame Dumirail éperdue d’effroi.

Et, repoussant Josette, elle entra, suivie de son mari, dans la pièce voisine où s’était fait entendre le bruit retentissant de la chute d’un meuble.


VIII

Maurice, pour ainsi dire porté dans le fiacre par les garçons de la Maison-d’Or, était resté plongé dans un profond assoupissement jusqu’à ce que la voiture se fut arrêtée devant l’hôtel des Étrangers. Le cocher, selon la recommandation qu’il avait reçue, sonna et avertit le portier de l’état d’ivresse dans lequel se trouvait le jeune provincial ; tous deux le secouèrent, l’éveillèrent et l’aidèrent à descendre de voiture, à demi endormi, encore ivre et ayant à peine conscience de ses actions ; le portier lui donna le bras, et, désirant épargner à M. et à madame Dumirail le spectacle de l’ivresse de leur fils, il se munit d’une seconde clef de l’antichambre où veillait Josette, espérant que Maurice pourrait ainsi rentrer dans sa chambre à l’insu de ses parents et y cuver son vin jusqu’au lendemain.

Le portier ouvrit en effet la porte sans trop de bruit ; mais, si léger qu’il fut, ce bruit suffit à réveiller en sursaut Josette endormie sur sa chaise. La pauvre fille, à l’aspect de son jeune maître, pâle, chancelant, tête nue, les vêtements en désordre et déchirés, poussa un cri d’effroi. Maurice, trébuchant, essaya de se cramponner à un buffet qu’il entraîna et fit rouler à terre avec lui. Il s’était relevé péniblement et commençait à se raffermir sur ses jambes, lorsqu’il vit soudain apparaître devant lui M. et madame Dumirail.