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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/432

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— Je connais son courage, et, quoi que vous fassiez, monsieur, ce duel aura lieu.

― Je ne laisserai pas mon fils sortir !

— Demain ou après-demain, il trompera votre surveillance.

— Je déposerai une plainte en justice contre ce spadassin.

— Cette plainte sera vaine, si Maurice est résolu de se battre. Or, vous savez combien sa volonté est énergique ! Croyez-moi, monsieur, résignez-vous à un semblant de duel qui, je vous l’affirme, n’offre aucun danger pour votre fils, tandis que, en voulant atermoyer cette nécessité, vous vivrez sous le coup d’angoisses continuelles.

— Mais encore une fois, monsieur, si cet homme oublie de respecter la vie de mon fils !

— La parole de M. d’Otremont me garantit qu’il épargnera la vie de Maurice.

— Eh ! monsieur, en un pareil moment, qu’importe la parole !

— Ce n’est pas tout, et, pour des raisons qu’il serait trop long de vous exposer, s’il tuait votre fils, M. d’Otremont se regarderait comme le complice et l’instrument d’un assassinat médité par votre neveu San-Privato.

M. Dumirail regarda son ancien ami avec stupeur et répéta machinalement :

— Un assassinat ?… mon neveu San-Privato ?

— En d’autres termes, M. d’Otremont a été poussé à ce duel par madame de Hansfeld, d’après l’inspiration de San-Privato, son amant.

— Grand Dieu, quel tissu d’horreurs !… Mais non, non, c’est impossible ! Quel intérêt mon neveu peut-il avoir à ce duel ?

— Hériter un jour de votre fortune, si Maurice, votre fils unique, succombait dans ce duel inégal, et il y avait cent chances pour une pour qu’il succombât.

M. Dumirail, convaincu de la réalité des faits affirmés par Charles Delmare avec un accent d’irrésistible sincérité, tressaillit d’épouvante et cacha son visage entre ses mains, tandis que son ancien ami poursuivait ainsi :

M. d’Otremont, inflexible au sujet de la nécessité d’une rencontre, mais en même temps éclairé par moi sur l’exécrable rôle qu’il jouait à son insu, a eu conscience du crime qu’il commettrait s’il n’épargnait pas la vie de Maurice. Voilà pourquoi, je vous le répète, monsieur, ce duel sera pour lui sans danger ; mais il doit ignorer les ménagements dont son adversaire est résolu d’user envers lui.