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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/435

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montant son premier étonnement ; — j’étais loin de m’attendre à vous voir…

— J’ai cru pouvoir vous être utile, mon cher Maurice ; je me suis souvenu de nos affectueuses relations, et me voici.

— Je vous remercie de votre bonne pensée ; mais, de grâce, en quoi pouvez-vous m’être utile ?

— Vous devez vous battre aujourd’hui avec M. d’Otremont ?

— Quoi ! vous savez ?

— Oui… je sais cela… Il vous faut des témoins : en avez-vous ?

— Pas encore.

— Eh bien ! si vous le voulez, je serai l’un de vos témoins et je vous en trouverai un second.

— J’accepte… Oh ! vous me rendrez un véritable service… et…

— Ce n’est pas tout ; votre adversaire a le choix des armes : il a choisi l’épée ; or vous n’avez de votre vie touché une épée.

— Il n’importe ! — s’écria impétueusement Maurice, — je me battrai comme on voudra !

— Soit ; mais, pour vous battre, il faut du moins savoir vous mettre en garde ; nous allons nous rendre dans une salle d’armes, et, en deux heures de leçons, je réponds, si vous m’écoutez, que vous serez du moins à même de paraître convenablement sur le terrain ; votre courage, en qui j’ai toute confiance, fera le reste.

Maurice, doué d’une grande bravoure naturelle, fut insensible au danger de ce duel inégal ; mais, profondément touché de l’offre de Charles Delmare, il sentit renaître pour lui son ancien attachement, et, lui tendant la main, il lui dit d’une voix attendrie :

— Oh ! merci, merci ! Je vous retrouve aussi affectueux pour moi que par le passé… Cependant, vous auriez de grands reproches à m’adresser…

Le souvenir de sa mère revenant soudain à sa pensée, Maurice ajouta, rougissant d’un pénible embarras :

— Et ma mère, l’avez-vous vue ce matin ?

— Non ; mais elle est moins souffrante, — répondit Charles Delmare, afin de ne pas inquiéter Maurice en ce moment ; — votre père est auprès d’elle.

— Vous l’avez vu ?

— Oui.

— Il vous a peut-être appris… ?

— Je sais ce qui s’est passé cette nuit, Maurice, à votre retour d’une orgie.

— Mon Dieu ! quel mépris je dois vous inspirer !