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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/445

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fille, que j’ai vu M. Maurice sortir en compagnie de ce digne M. Delmare, après que celui-ci a eu longtemps causé tout seul avec monsieur.

M. Delmare ! — reprit madame Dumirail, stupéfaite et regardant son mari ; — tu as reçu M. Delmare ? tu as causé longuement avec lui ?

— Et, Dieu merci, monsieur ne m’a pas mise sur le pavé de Paris, comme il m’en avait menacée si je le laissais entrer ce digne homme, reprit Josette ; — mais ce pauvre M. Delmare m’a tant priée, tant suppliée, en me disant qu’il s’agissait d’un grand service à rendre à la famille, que, ma foi, à tout risque, je l’ai laissé entrer dans le salon où était monsieur, et ils y sont restés une bonne demi-heure ensemble.

— Mon ami, sans une circonstance de la dernière gravité, tu n’aurais jamais consenti à recevoir M. Delmare et à t’entretenir longuement avec lui, après la révélation que je t’ai faite. Il y a là un mystère, — reprit madame Dumirail pensive et tremblante. — Ton rapprochement forcé de M. Delmare n’a pu avoir pour cause que quelque nouveau méfait de Maurice.

— Je t’en conjure, chère Julie, ne t’inquiète pas.

— Tu savais que Maurice était sorti avec M. Delmare ?

— Eh bien, oui… mais…

— Où sont-ils allés ?

— Je l’ignore.

— Tu ne me dis pas la vérité, mon Dieu ! mon Dieu ! — reprit madame Dumirail en proie à une agitation douloureuse. — Mon fils est en danger, je le jurerais, je le sens bien, moi : j’ai peur !…

— Calme-toi, Julie, je t’en supplie ! Rien ne peut être plus funeste pour toi, en ce moment, que les émotions vives…

— Me calmer… mon Dieu !… le puis-je, lorsque tout concourt à augmenter mes angoisses… ton silence plus que tout le reste ?… car, enfin, pourquoi me cacher le sujet de ton entretien avec M. Delmare ?

— Plus tard, chère Julie, tu le sauras.

— Pourquoi ne pas m’en instruire tout de suite ?

— Je te le demande à genoux, chère amie, ne m’interroge pas davantage. Rassure-toi : avant peu, tu sauras tout ; mais, jusque-là, aie un peu de patience, et bientôt…

Le retentissement précipité de la sonnette de la porte intérieure de l’appartement interrompit M. Dumirail ; un invincible pressentiment lui disait qu’il allait, heureuse ou funeste, connaître l’issue