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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/454

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XIV

M. Dumirail, après un premier mouvement de douloureux étonnement, se rassura, en songeant à la puissance de l’autorité paternelle, jusqu’alors si respectée de son fils, et, jetant à sa femme un regard qui semblait dire : « Ne crains rien, j’ai l’habitude d’être obéi, » il reprit :

— Mon ami, ta vocation pour la carrière diplomatique est, dis— tu, irrésistible ?

— Oui, mon père.

— Notre entretien est grave, ne l’oublie pas, mon fils ; or, ce que tu dis au sujet de ta prétendue vocation diplomatique n’est pas sérieux.

— Pardon…

— Cela n’est pas sérieux, je le répète, puisque, depuis ton séjour à Paris tu n’as pas mis les pieds chez M. de Morainville, et, de plus, je tairai, je veux taire les motifs qui t’ont, jusqu’ici, empêché de te présenter chez lui.

— Je te remercie, mon père, de ton indulgence ; je t’en sais gré surtout à toi, ma bonne mère, — ajouta Maurice d’une voix émue, faisant allusion à la pénible scène de la nuit. — De cette indulgence, je me montrerai digne… et, dès demain, je vous promets à tous deux de me rendre au bureau de M. de Morainville, et de m’efforcer de justifier tes espérances, mon père ; car permets-moi de te rappeler que j’ai cédé, uniquement cédé à tes instances, en me décidant à embrasser la carrière diplomatique.

— Cela est vrai ! — reprit M. Dumirail d’une voix grave et contenue ; — cette folle ambition que, pendant un moment, j’ai eue pour vous, mon fils, a été, de ma part, une de ces erreurs pour lesquelles votre indulgente mère réclamait tout à l’heure l’oubli. C’était à vous moins qu’à personne de m’adresser ce reproche ; mais je vous répondrai que mon excuse était le désir de vous voir parcourir une carrière honorable, et, dans ma con-