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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/464

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la terreur de te perdre m’a prouvé que, sans toi, maintenant je ne saurais plus vivre !

— Antoinette, ange adoré !

— Tiens, vois-tu, Maurice, je t’aime trop, tu me tueras !

Le jour baissait ; Maurice, enivré, radieux, plus que jamais subissant l’empire de madame de Hansfeld et assis à ses côtés sur le sofa du boudoir, lui disait :

— À cette heure, j’aurai le courage de te faire un horrible aveu…

— Quel aveu ?

— Un aveu qui m’oppresse, qui pèse sur mon cœur comme le remords d’une action infâme !

— Ces paroles me surprennent profondément, mon Maurice ; je t’écoute.

— Eh bien, j’ai cru, oui, j’ai cru cela ; est-ce possible, mon Dieu ! j’ai cru que tu voulais me faire tuer par M. d’Otremont.

Et, répondant à un regard ébahi d’Antoinette, le jeune homme ajouta :

— Cela te confond ?… Oh ! attends… Ce n’est pas tout : tu étais en cela l’instrument de mon cousin San-Privato, qui, après ma mort, devenait l’héritier de mon père et de ma mère ; et, ainsi délivré de moi, son rival, il pouvait plus facilement séduire ma cousine Jeane. Enfin, j’ai cru…

— Achève, mon ami.

— Non, c’est trop stupide, trop lâche, trop ignoble !

— Il n’importe, achève, je l’exige.

— Soit ; ce sera l’expiation méritée de mon odieux aveuglement. J’ai cru encore que tu vivais des largesses de l’ambassadeur de Naples, et qu’enfin…

— Et qu’enfin… ?

— San-Privato était en secret ton amant.

— Est-ce tout ? — demanda madame de Hansfeld avec un demi-sourire de dégoût et une incroyable expression d’innocence ; — est-ce tout, mon ami ?

— C’est tout… Ah ! il faut que j’aie en toi, mon Antoinette, la confiance, l’estime que tu m’inspires. Il faut que j’aie une foi inébranlable dans mon amour et dans le tien pour que j’ose te faire de pareils aveux. Hélas ! ils devraient m’attirer tes mépris, ta haine peut-être ?

— Mon ami, — reprit madame de Hansfeld après un moment de recueillement, — je suis restée d’abord, pour ainsi dire, étourdie,