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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/469

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enfant, afin de vous gronder de votre incroyable négligence à me répondre au sujet de ce placement sur les mines de soufre de Sicile. Mes gens d’affaires ont trouvé la spéculation excellente, et j’y ai affecté, d’après leur avis, environ quatre cent mille livres. Vous devriez employer ainsi vos économies, si vous en avez, et vous devez en avoir, car vous gérez votre fortune beaucoup mieux que je ne gère la mienne ; aussi je ne me mêle de vous conseiller en cette occurrence que parce que l’on m’assure que cette spéculation offre autant d’avantages que de sécurité. Je voudrais donc vous voir profiter de cette bonne occasion.

« Répondez-moi promptement, mon enfant, et croyez à la tendre affection d’un bon vieux papa qui baise au front sa chère et charmante fille.

« Votre affectionné,

« Castel-Nuovo. »

Le prince, en sexagénaire de bon goût, affectait une manière de paternité dans son commerce avec madame de Hansfeld, et, quoique toutes les dépenses de sa maison fussent splendidement défrayées par lui, il savait trop bien vivre pour écrire à Antoinette un mot touchant cette question.

La lettre précédente devait donc persuader Maurice qu’une sorte d’affection paternelle attachait uniquement l’ambassadeur à madame de Hansfeld.

— Eh bien ! avais-je tort de me refuser à lire ces lettres ? — dit le jeune homme à Antoinette dans l’expansion d’une confiance alors inaltérable. — À quoi ont-elles servi, ces lettres ? À confirmer la sincérité de tes paroles. Or n’avais-je pas une foi aveugle en toi, pauvre femme si indignement calomniée ? L’instinct du vrai ne te défendait-il pas au fond de mon âme contre ces calomnies encore plus audacieuses qu’elles ne sont infâmes ?

— Oui, leur audace me confond, leur audace surtout m’épouvante ! — reprit Antoinette simulant l’accablement. — Ainsi, je voulais te faire tuer par M. d’Otremont, ô mon bien-aimé Maurice ! Tu entres chez moi à l’improviste, tu me trouves pleurant et toute pâle des cruelles angoisses où me jetait la pensée des périls que tu courais ! M. San-Privato était, dit-on, mon amant, et je vivais des largesses, des honteuses largesses de M. l’ambassadeur de Naples. Le hasard fait que leurs lettres, à tous deux, me justifient.

— Oh ! assez, Antoinette, assez ! tant d’ignominies ne méritent que le dédain. C’est trop s’occuper de ces indignités.