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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/471

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nous par tous les moyens possibles, sans reculer devant les plus odieuses inventions, ainsi qu’ils l’ont déjà fait.

— Oh ! ne crains rien pour l’avenir, ange idolâtré ! la leçon aura été cruelle, mais profitable.

— Qui sait ?

— Veux-tu une preuve de ce que j’avance ?

— Oh ! certes.

— Tu parlais tout à l’heure de l’empire de ma famille sur moi ; cet empire n’existe que dans ton imagination. Ainsi, par exemple, aujourd’hui, ne prétendait-on pas me faire quitter Paris, m’emmener dans le Jura ?

— Tu vois donc bien, — reprit madame de Hansfeld feignant une alarme croissante, — on veut nous séparer ! Tu résisteras aujourd’hui à cette tyrannie, parce que je t’ai convaincu de la fausseté des calomnies dont je suis victime ; mais, demain, on imaginera d’autres mensonges moins faciles à démentir, tu les croiras, et tu m’abandonneras…

— Antoinette, je te le jure, s’il me fallait opter entre ma famille et toi, mon choix ne serait pas douteux.

— Pauvre ami, ce sont là des mots !

— Mon Dieu ! que dire, que faire alors pour te convaincre ?

— Que veux-tu, Maurice ! j’avoue ma faiblesse : la seule pensée de te perdre suffirait à empoisonner mon amour ; je serais dans des entraves continuelles. Vivre au milieu de ces appréhensions incessantes, dis, quelle torture de tous les jours, de tous les instants ! Ah ! j’aimerais mieux, je crois…

— Achève.

— Oui, j’aimerais mieux, je crois, renoncer dès à présent à toi, que de toujours ainsi trembler de te perdre.

— Ah ! c’est affreux, ce que vous dites là ! — s’écria Maurice douloureusement affecté.

Il cacha par orgueil les larmes dont ses yeux se remplirent, et, portant ses deux mains à son visage :

— Laissez-moi, laissez-moi !

Mais bientôt madame de Hansfeld, l’enlaçant de ses bras, reprit d’une voix suppliante et passionnée :

— Pardon, Maurice, pardon, mon amant adoré !… Non, non, ma douleur, mes folles alarmes m’ont arraché un blasphème. Moi, renoncer volontairement à toi ! n’est-ce pas blasphémer notre amour ? Renoncer à toi ! est-ce que c’est possible ? Il me faudrait donc arracher de mes propres mains mon cœur de ma poitrine ? Nous séparer ! — reprit Antoinette en enlaçant Maurice d’une