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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/678

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— Tu dis que ce n’est pas à Paris que Maurice a vu Jeane ?

— Non.

— Et qu’il l’a vue plus près d’ici, nourrice ?

— Sans doute, comme qui dirait, par exemple, à Lyon ; car maintenant je peux t’apprendre que ta fille est en route pour venir te voir.

— Joies du ciel !

— Charles, mon Charles, ne recommence pas à te bouleverser !

— Jeane est à Lyon ! Mais alors je la verrai donc demain ?

— Tu la verras avant demain, mon Charles.

— Avant demain ?

— Certainement, parce que ce n’est pas à Lyon qu’elle est, mais dans une ville plus voisine d’ici.

— Où donc ? à Nantua peut-être ?

— Plus près encore.

— Qu’entends-je ?

— Mon Charles, pour l’amour de Dieu, sois raisonnable, ne va pas te…

— Ma fille est ici !…

— Eh bien, oui… mais…

— Jeane ! Jeane ! — s’écrie Delmare d’une voix forte et sonore, où vibrait toute la puissance de sa tendresse paternelle.

Et, si cela peut se dire, galvanisé par la certitude de la présence de sa fille, il sent pour un moment renaître ses forces, se lève et court vers la pièce voisine ; mais la jeune femme, ayant entendu la voix de son père, ouvre la porte et se précipite dans ses bras.


XXXIV

Environ une demi-heure s’est écoulée depuis la réunion de Delmare, de sa fille et de Maurice. Les premières émotions de cette entrevue sont apaisées ; le père de Jeane les a vaillamment supportées, trop vaillamment peut-être, car, épuisé comme il l’est, il n’a pu trouver la force de résister à une pareille secousse que dans une énergie factice et fiévreuse. Jeane, assise près de son