Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/77

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— Amoureux serait peut-être trop dire, monsieur ; les domestiques ont seulement remarqué sa préférence très-évidente pour mademoiselle. Il est vrai que la cuisinière trouve que M. Delmare est encore très-bel homme, et ne verrait rien d’étonnant à ce qu’il fût amoureux ; mais l’une des servantes et le cocher ont émis l’opinion qu’à son âge M. Delmare ne saurait aimer d’amour une jeune personne dont il pourrait être le père, et que, s’il l’aimait, c’était comme on aime une fille.

— Quelle idée ! — se dit San-Privato tressaillant et se parlant à lui-même.

Puis, se recueillant, tandis que Germain, interrompu par son maître, gardait un respectueux silence, Albert reprit, après quelques instants de réflexion :

— Ainsi… afin de préciser les dates, selon vos renseignements, M. Delmare est, m’avez-vous dit, établi dans ce pays depuis trois ans.

— Oui, monsieur.

— Il donne ici des leçons de peinture ?

— Oui, monsieur.

— Et, lorsqu’il est venu habiter le pays, il était totalement inconnu de M. et de madame Dumirail ?

― Oui, monsieur, puisque ce n’est qu’au bout de six mois de séjour ici qu’il a commencé de donner des leçons à mademoiselle Jeane.

L’entretien d’Albert et de son serviteur fut interrompu par l’entrée de madame San-Privato, qui, s’adressant à son fils :

— Tu n’es pas couché, — dit-elle, — tant mieux ! j’ai à causer avec toi.

Germain se retirait discrètement, lorsque son maître lui dit :

— Vous m’éveillerez demain à six heures.

Le serviteur s’inclina, et Albert resta seul avec sa mère.