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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/103

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vent qu’il sert d’espion à l’armée royaliste ; et l’un des Vengeurs d’Israël l’a reconnu pour le principal instigateur du carnage de Mirebeau, où près de douze cents prisonniers huguenots ont été mis à mort avec d’horribles raffinements de cruauté. Entouré de plusieurs de ses compagnons, assis comme lui sur les ruines de l’autel de la chapelle, le franc-taupin vient de tirer sa dague et commence de l’aiguiser lentement sur une pierre placée entre ses jambes, sans regarder le moine, qui, livide de terreur, debout à quelques pas et les mains liées derrière le dos, s’écrie : — Damnés sacrilèges ! vous abusez de votre force… la main du Seigneur s’appesantira sur vous !

le franc-taupin, continuant d’aiguiser sa dague. — Bon ! hardi ! pousse, mon révérend ! dégorge ta bile monacale ! crache ton fiel apostolique ! ton sort n’empirera point ! attends-toi à tout… tu seras encore loin de ce que je te réserve !…

le cordelier. — Rien non plus ne pourra empirer votre sort ! réprouvés ! lorsque vous serez plongés dans les flammes éternelles !

le franc-taupin,. — Mort-de-ma-sœur !… tu as tort de parler de flammes ! grand tort tu as, mon révérend ! tu me rappelles ce que je n’oublie guère… Ma nièce, une pauvre innocente enfant, a été plongée vivante vingt-cinq fois… entends-tu, moine ?… plongée vivante vingt-cinq fois dans les flammes d’un bûcher… Ce bûcher, la férocité de ton Église l’avait allumé… Mais assez de moi et des miens ; ils ne crient pas seuls vengeance ici… Frères, apprenez à ce tonsuré pourquoi vous êtes enrôlés parmi les Vengeurs d’Israël. (Il continue d’aiguiser lentement sa dague.)

un huguenot. — Moine, écoute ceci : En pleine paix, après l’édit d’Orléans, un soir, ma maison a été assaillie en mon absence par une bande de fanatiques ; le vicaire de ma paroisse les conduisait… Mon vieux père, aveugle, demeuré dans notre logis, a été égorgé… Moine, j’ai juré de venger mon père.

autre huguenot. — Moine, écoute ceci : Le maréchal de Montluc commandait en Guyenne ; six soldats de sa compagnie d’ordonnance