Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/110

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genoux, et, les mains jointes, s’écrie : — Messieurs… par pitié… écoutez moi… je vais tout vous avouer… je…

le franc-taupin, avec une exaltation farouche. — Ô Hêna… pauvre martyre ! je vengerai ta mort sur une infâme créature… belle comme toi… jeune comme toi ! car un moment ses traits m’ont rappelé les tiens !

anna-bell. — Au nom du Dieu vivant, écoutez-moi, par pitié !

un huguenot. — Tu oses invoquer Dieu…

autre huguenot. — Empoisonneuse !

autre huguenot. — Ô ma sœur !… chaste victime de la féroce luxure des soldats de Catherine de Médicis !… ils ne t’ont pas épargnée, toi si pure ! et l’on épargnerait cette prostituée !…


anna-bell, se tordant les mains de désespoir. — Mon Dieu… on ne tue pourtant pas une femme… sans l’entendre !

un huguenot. — Misérable !… tu allais empoisonner Frantz de Gerolstein.

anna-bell, levant les mains et les yeux au ciel avec une expression déchirante. — Moi… l’empoisonner, moi !…

le franc-taupin. — Amoncelons hors de la chapelle ces fascines dont nos chevaux ont mangé les feuilles. Le bois est vert… il brûlera lentement… tant mieux… Sur ce bûcher… nous lierons ensemble l’empoisonneuse et le moine, lorsque je l’aurai ordonné cardinal…

les huguenots. — Au bûcher l’empoisonneuse et le moine ! Trop de fois les bûchers catholiques ont flambé pour nous !

L’esprit d’Anna-Bell commence à s’égarer ; livide, frissonnante, ployée sur elle-même, sa voix s’étrangle dans son gosier desséché par la terreur, et ne laisse échapper que des sanglots convulsifs. Les Vengeurs d’Israël se hâtent d’entasser des fascines autour d’un grand chêne planté devant le portail de la chapelle ; le franc-taupin se rapproche du cordelier, murmurant toujours d’une voix agonisante : Miserere mei, Domine… miserere… mais un huguenot à barbe grise et à figure austère demande à Joséphin de surseoir au supplice du