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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/130

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accroché au gibet de Montfaucon… Ses biens sont acquis et confisqués au roi ; ses enfants. » — L’amiral s’interrompt et répète d’une voix navrée : — Mes enfants ! eux aussi… — Puis il continue : — « Ses enfants seront déclarés ignobles, infâmes, incapables de tenir office ou de posséder des biens dans le royaume… Cinquante mille écus d’or sont promis à qui livrera, mort ou vif, ledit sieur de Coligny… Les enfants de son frère le sieur Dandelot sont aussi déclarés infâmes… » Et rejetant sur la table ce feuillet contenant l’extrait de l’arrêté enregistré au Parlement de Paris le 27 mai 1569, M. de Coligny ajoute avec un accent de douleur profonde, levant au ciel ses yeux baignés de larmes :

— Mon pauvre et bon frère ! ils t’ont lâchement tué par le poison ! tes enfants sont orphelins ! ils n’ont plus que moi pour soutien… et ma vie est mise à prix ! ! et aujourd’hui, demain, dans un combat, Dieu peut me rappeler à lui !… Ah ! que j’emporte du moins la consolation de penser que les orphelins de mon frère, et les miens, seront confiés à de dignes mains !

M. de Coligny reste pendant quelques instants encore absorbé ; puis il prend une feuille de papier, une plume, et écrit ainsi son testament[1] :

« — Entre toutes les créatures, Dieu a créé l’homme pour la plus excellente ; aussi doit-il, durant sa vie, faire toutes choses pour glorifier le Seigneur, rendre bon témoignage de sa foi, donner bon exemple à son prochain, et laisser, autant qu’il le peut, le repos à ses enfants, quand il a plu à Dieu de lui en donner.

» Quoique nos jours soient comptés devant Dieu, rien n’est plus

  1. Testament olographe de l’amiral Coligny, d’après la minute originale conservée aux manuscrits de la Bibliothèque nationale. Collection du Puy, t. LXXXI. — Cette pièce, d’une si grande valeur historique, a été publiée pour la première fois complète en 1852, par la Société de l’Histoire du protestantisme français, t. I, p. 265. Ce qui donne, selon nous, un double intérêt à ce testament, c’est qu’il a été écrit par l’amiral durant la guerre (en juin 1569), après la bataille de Jarnac et avant la bataille de Montcontour.