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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/138

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— Enfin ! — dit le vieil écuyer avec un soupir d’allégement, — il va boire… ça n’aura pas été sans peine !

À ce moment, Odelin Lebrenn, accourant du dehors, se précipite dans la chambre en s’écriant : — Monsieur l’amiral !

M. de Coligny, dont les lèvres effleuraient à peine le breuvage, se retourne brusquement. Odelin s’élance, lui arrache le vase des mains et le brise à ses pieds en s’écriant : — Merci Dieu ! j’arrive à temps !…

Lanoüe, Nicolas Mouche, saisis de stupeur, restent muets ; Odelin, suffoqué par l’émotion, haletant de sa course rapide, s’appuie d’une main sur la table, fait signe qu’il va parler. Enfin, il dit d’une voix palpitante : — Un moment plus tard, M. l’amiral était empoisonné par le breuvage… qu’il allait boire…

— Grand Dieu ! — s’écrie Lanoüe en pâlissant, tandis que Nicolas Mouche tremblait comme la feuille en regardant son maître ; — expliquez-vous, monsieur Lebrenn !

— Ce matin, à l’heure où vous écoutiez la prière, ainsi que vos serviteurs, monsieur l’amiral, — reprend Odelin, s’adressant à M. de Coligny, — je suis venu rapporter votre casque ; Dominique se trouvait seul ici…

— En effet, — dit Nicolas Mouche, — il n’assistait pas à la prière comme les autres…

— Sans m’étonner de la présence de Dominique dans la chambre de son maître, — poursuit Odelin, — je remarquai seulement le trouble… la pâleur de cet homme, et plus tard… béni soit Dieu ! je me rappelai qu’en entrant, je l’avais vu s’éloigner brusquement de la table où était ce vase… renfermant, ainsi que me l’a dit souvent Nicolas Mouche, une tisane que vous buvez chaque matin, monsieur l’amiral… Dans cette tisane, Dominique a jeté du poison…

— Lui ! — dit Coligny avec horreur. — Lui ! c’est impossible… un serviteur élevé chez moi… depuis son enfance…

— Ah ! le misérable ! — s’écrie Nicolas Mouche. — Ce matin, me