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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/169

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qu’aux bords de l’étang ; là les balles ne pouvaient plus les atteindre, ils retrouvèrent leurs armes, leurs munitions, déposées par eux à quelques pas de la rive ; reprirent leurs fourniments et se dirigèrent vers le groupe d’officiers qu’ils voyaient au loin, près de la dernière ondulation du pli du terrain qui masquait encore la colonne. Antonicq, descendu de cheval, ainsi que M. de Plouernel, courut au devant du franc-taupin et l’embrassa, lui disant :

— Grâce à Dieu, vous venez d’échapper à la mort !

— Bonjour, mon garçon, — répondit l’aventurier. — Mais assez d’embrassades… tu vas te mouiller, car je ruisselle. J’ai fait la taupe dans ma jeunesse ; je fais l’écrevisse de marais dans ma vieillesse… donc, assez d’embrassades. D’ailleurs, je suis courroucé contre ton père et toi… Grâce à vous, Hervé, ce scélérat ! a échappé au supplice. Nous avons trouvé cette nuit sa prison vide… Qui a fait évader ce frocard ? sinon toi, qu’on avait, à mon insu, chargé de sa garde ?

— Mon oncle, les liens du sang…

— Mort-de-ma-sœur ! les a-t-il respectés, lui, les liens du sang !… — Et, s’approchant de M. de Plouernel : — Colonel, voici le résultat de nos observations de ce matin : Avant l’aube, nous sommes arrivés ici ; nous avons laissé nos chevaux dans cette métairie en ruine que vous voyez là-bas ; nous nous sommes mis à l’eau. Les royalistes n’avaient pas l’éveil. L’étang est guéable à la cavalerie à partir de cette ligne de roseaux qui s’étend obliquement ; la rivière est partout guéable à l’infanterie ; l’eau n’a pas plus de quatre pieds en son plus profond, et partout le sol est ferme ; si vous vouliez prendre à revers le retranchement de la chaussée de l’étang, il faudrait remonter sa rive pendant environ trois mille pas, du côté de cette châtaigneraie ; là se trouve, à travers le marais, une jetée assez large : dix hommes peuvent y marcher de front ; elle aboutit à un épaulement palissadé facile à enlever ; c’est le côté faible de la défense de l’ennemi. Ces renseignements sont certains, colonel ; j’ai tout vu par moi-même. Je n’ai qu’un œil ; mais il est bon.