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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/171

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teur ; — unis, ils sont invincibles ! En avant tous ! côte à côte comme des frères ! En avant ! le front haut et sans peur ! Le doigt de Dieu nous montre le chemin !…

— Oui, oui, attaquons en masse, avec furie ! — répétèrent les officiers. — En avant tous ! ne nous séparons pas ! réunis, rien ne pourra nous résister !

Hélas ! cette fois encore, ainsi que cela s’est déjà vu si souvent durant nos guerres, pour le malheur de nos armes, l’outre-vaillance aveugle, l’inexpérience, l’indiscipline, une foi exagérée dans le triomphe de la cause, prévalurent encore sur les sages commandements d’un officier vieilli sous le harnais, et dont la science militaire égalait la bravoure. Les capitaines, et bientôt les soldats, instruits de rang en rang de l’objet de la délibération, exaltés par l’ardente parole du pasteur, croyant affaiblir leurs forces en les divisant, craignant surtout de paraître hésiter devant l’ennemi, demandèrent à grands cris de marcher en masse au combat ; le colonel de Plouernel pratiquait depuis trop longtemps les soldats volontaires bretons, et connaissait assez leur opiniâtreté proverbiale pour songer même à essayer de les ramener à son avis ; aussi les voyant exaltés jusqu’au délire de l’héroïsme, il dit froidement aux officiers :

— Vous le voulez, messieurs ? Marchons !… Tambours, battez la charge !…

M. de Plouernel, tirant alors son épée d’une main, serre de l’autre celle d’Antonicq et lui dit tout bas :

— Mon ami, nous allons à la boucherie. Si vous échappez par bonheur au carnage que je prévois, vous porterez à ma femme, à mes fils et à votre digne père mes derniers adieux.

— Ces braves gens sont fous ! nous serons écharpés ! — dit à son tour le franc-taupin à Antonicq. — Je mourrai donc sans avoir mis à mort mes vingt-cinq catholiques ! le diable m’en doit encore sept !… Hardi ! mon garçon, ne nous quittons pas ; nous aurons du moins tous deux cette rivière pour tombeau… Voire ! moi qui,