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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/257

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reçoit sans cesse des renforts considérables. Nous ne comptons plus que quatre mille cinq cents citoyens capables de porter les armes ; l’ennemi compte aujourd’hui vingt-cinq mille hommes de troupes et soixante canons. Les travaux du siège sont conduits avec une grande habileté par Scipion Vergano, l’ingénieur qui a fortifié La Rochelle ; ce traître connaît le fort et le faible de la place, aussi a-t-il concentré tous les moyens d’attaque des catholiques sur le bastion de l’Évangile, leurs batteries foudroient la ville de ce côté. Enfin, les munitions commencent de nous manquer ; les travaux exécutés par l’ennemi à l’entrée de la baie rendant très-difficile l’arrivage des bâtiments, qui seuls nous approvisionnent, la poudre et le blé deviennent de plus en plus rares. La flottille du capitaine Mirant est allée chercher des munitions en Angleterre, des grains en Bretagne ; chaque jour on attend ces navires, si le vent contraire les retient encore ou s’ils ne parviennent pas à pénétrer dans notre havre, une horrible disette régnera bientôt dans la ville. M. de Lanoüe, ayant pesé les effrayantes difficultés de notre situation, n’a pas cru que nous puissions résister longtemps à des forces cinq à six fois supérieures aux nôtres ; il a engagé le conseil de ville à traiter avec le duc d’Anjou, afin d’obtenir une capitulation honorable et une paix avantageuse, ajoutant que lui, Lanoüe, avait juré sa foi d’honnête homme d’encourager, d’aider les Rochelois à la résistance, tant qu’il croirait en son âme et conscience la résistance possible ; mais que, du jour où il la regarderait comme impraticable, il engagerait les assiégés à capituler ; promettant, dans le cas où l’on ne suivrait pas ses avis, d’aller se remettre prisonnier aux mains du roi. Le conseil de ville, après une séance solennelle, sous la présidence du maire Jacques Henry, épuisé, presque mourant, de ses fatigues, de ses blessures, mais soutenu par son énergie républicaine, le conseil de ville a déclaré, à une forte majorité, que les Rochelois résisteraient aux catholiques jusqu’à la mort… M. de Lanoüe a quitté la ville.