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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/283

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rade ; et remorquant la machine incendiaire qu’il venait d’improviser, y mit le feu et coupa la remorque peu d’instants avant d’arriver par le travers de la redoute de Chef de Baie, certain, d’après sa profonde connaissance de la direction des rapides courants de la côte, qu’ils pousseraient à la dérive et accoleraient au flanc de la redoute, baignée par la mer, le brûlot enflammé chargé de poudre, et que son explosion, démantelant la batterie royaliste, la mettrait hors de service. Il en fut ainsi ; la redoute de Chef de Baie ruinée, le capitaine Mirant n’avait plus à craindre que la batterie élevée à l’autre pointe de terre, et d’ailleurs faiblement armée. Il l’élongea vaillamment à la tête de ses brigantins ; leurs bordées répondirent au feu de l’ennemi. Enfin, après avoir reçu quelques boulets dans leurs voiles et dans leur membrure, les trois navires, dont plusieurs matelots furent tués ou blessés, cinglèrent droit à l’entrée du port intérieur de La Rochelle, qu’ils allaient sauver de la famine et approvisionner de munitions de guerre.

— Soyez béni, Seigneur ! le salut de la ville est assuré !… Puisse mon père être sorti sain et sauf de ce combat ! — s’écria Cornélie, tandis que les Rocheloises acclamaient de leurs cris de joie et d’espérance le triomphe du capitaine Mirant. Le dernier des trois brigantins venait d’entrer dans le port, lorsque soudain de nombreuses arquebusades éclatent derrière les rochers qui, à droite, bordaient la plage où étaient rassemblées les Rocheloises ; les balles pleuvent ; des femmes, des enfants, mortellement frappés, tombent près de Cornélie et de Thérèse. Cette attaque imprévue des soldats royalistes embusqués jette la stupeur, l’épouvante parmi ces infortunées, venues à la pêche sans armes, et croyant n’avoir à redouter que les boulets de la redoute de Chef de Baie ; mais une partie de sa garnison se composait des gardes du duc d’Anjou, commandés par le marquis de Montbar, l’un des mignons du prince et le plus grand débauché de l’armée. Aussi, voyant du haut du parapet les Rocheloises se répandre sur la grève, le marquis avait mis ses soldats sur pied, quitté la redoute, filé silen-