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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/297

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cela : votre armée est démoralisée par sa dernière et honteuse défaite ; peut-être vos soldats reprendront-ils courage en voyant le supplice de la fille de l’un des plus braves capitaines de La Rochelle.

Hélas ! Cornélie, comptait exaspérer la fureur du cordelier, lui arracher ainsi l’ordre de la conduire au supplice, seul refuge qui lui restât contre les menaces du duc d’Anjou ; mais le suprême espoir de l’infortunée est trompé, fra‑Hervé l’a écoutée impassible, et il reprend :

— Tu es rusée… tu aspires au supplice, parce que la mort te protégerait contre l’outrage que tu redoutes… je ne suis point ta dupe… Non, pas de bûcher pour toi !…

— Malheur ! — murmure la jeune fille, anéantie, voyant la ruine de sa dernière espérance, — malheur à moi !… je suis perdue !…

— Tu es sauvée… si tu le veux ! — reprend fra‑Hervé. — Il dépend de toi de ne pas être livrée aux goujats de l’armée…

— Qu’entends-je ? — s’écrie Cornélie renaissant à une lueur d’espérance ; — que faut-il faire ?

— Abjurer publiquement ton infernale hérésie !

— Grand Dieu !…

— Renier Satan ton père ! supplier humblement notre sainte mère l’Église catholique, apostolique et romaine, de te recevoir dans son sein à merci et miséricorde ! supplier l’Église de daigner guérir ta lèpre hérésiarque ! d’épurer ton sang infect ! Ta souillure lavée, tu prononceras des vœux éternels ! tu iras ensevelir à jamais, dans l’ombre d’un cloître ton passé criminel… Choisis donc… et sur l’heure, abjure… sinon, tu seras livrée aux soldats !…

— Seigneur ! Seigneur ! — s’écrie Cornélie, frappée de terreur et sentant son esprit se troubler. — Est-ce que je veille ?… est-ce que je rêve ?… un prêtre… un homme… outrager à ce point la pudeur d’une femme… et lui dire… Abjure… ou sinon…

— Quelle audace… la pudeur !… une femme !… — reprend fra‑Hervé avec un éclat de rire diabolique. — Est-ce qu’une héré-