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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/54

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berthe de verceil. — Aussi la Gondi, fidèle aux devoirs de son emploi, s’est-elle chargée de remettre le premier billet amoureux de mademoiselle Margot[1] au jeune et bel Henri de Guise, que nous allons voir à l’armée de M. de Tavannes ; et les malicieux de dire : « — En ces temps-ci, ce ne sont plus les hommes qui prient les femmes ; mais les femmes qui prient les hommes[2]. »

clorinde de vaucernay. — Quoi d’étonnant ? N’est-ce point aux reines à faire les premiers pas vers leurs sujets ? Que sommes-nous ? Reines… Que sont les hommes ? Nos sujets… Puis il est si beau, si vaillant, si amoureux, Henri de Guise ; quoiqu’il ait à peine dix-huit ans, toutes les femmes en raffolent… moi la première !…

diane de sauveterre. — Ah ! Clorinde ! si Biron t’entendait !…

clorinde de vaucernay. — Il m’a entendue, il sait qu’en parlant de constance, on excepte toujours l’aventure d’une rencontre avec le bel Henri de Guise… Mais les autres pasquils, Berthe ?

berthe de verceil. — Le suivant est piquant ; il a trait à la nouvelle coutume empruntée à l’Espagne par la reine. Il s’agit du titre de Majesté, dont elle veut qu’on la salue, ainsi que le roi son fils. (Elle lit.)

« La France décroissant, pour toute récompense,
» A pris sur l’Espagnol l’idolâtre vantance
» Qui égale de nom… l’homme à la déité.
» Et, lorsque leur état ruineux s’hypocrise,
» Je vois facilement, sans que l’on m’en advise,
» Nos Majestés en train… d’être sans majesté[3]. »

clorinde de vaucernay. — Je trouve plaisant : Nos Majestés en train… d’être sans majesté…

diane de sauveterre. — À défaut de la chose, on a le nom… cela suffit pour imposer aux sots.


  1. On appelait ainsi familièrement à la cour la princesse Marguerite (fille de Catherine de Médicis et de Henri II), si connue par ses débordements. Elle épousa Henri IV, et il obtint plus tard son divorce.
  2. De Thou, LXXIV, p. 249.
  3. Registre-Journal de l’Étoile, supplément, p. 57.