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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/87

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liques tout l’argent provenant de la confiscation et des dépouilles de tant de nobles et de riches bourgeois tués en France, comme hérétiques ; le duc de Guise sera plus tard remboursé de ce prêt par les dépouilles des luthériens qui, pour le même fait d’hérésie, auront été tués en Allemagne. »

— Avouez-le, mon révérend, quoique vous le regardiez comme un saint, ce François de Guise se montrait non moins habile financier que les fameux banquiers Fugger. Prêtait-il son argent à la cause catholique ? Non point ! il lui prêtait l’argent des Français massacrés pour cause d’hérésie, et l’on remboursait ce bon duc en même monnaie, moyennant la tuerie des hérétiques allemands.

— Aucune offrande, madame, ne pouvait être plus agréable au Seigneur que les dépouilles des hérétiques… J’achève :

— « Les cardinaux du sacré collège ne font doute que l’on ramènera pareillement les autres royaumes en troupeau sous le pasteur apostolique ; mais que, premièrement, il plaise à Dieu aider et favoriser les présents desseins, saints et pleins de piété[1]. »

— Oui, saints ! oui, pleins de piété ! — s’écrie le R. P. Lefèvre, en remettant sur la table le pacte affreux du triumvirat. — Ah ! pourquoi la mort a-t-elle arrêté le grand, le saint, l’archisaint duc de Guise, au début de son œuvre !

— Pourquoi, mon révérend ? parce que le Seigneur voulait sans doute réserver à nous, Valois, l’accomplissement de l’œuvre imaginée par ce Guisard, au moins autant dans l’espoir de nous détrôner, que pour assurer le triomphe de la foi ; je vous l’ai dit, je couverai l’œuf sanglant pondu par le Lorrain ; mais l’œuf ne peut éclore que pendant la paix.

— Cependant, madame, la guerre…

— Encore ! ! ! Est-ce que pendant la guerre les huguenots ne sont

  1. Mémoires-Journaux de François de Lorraine, duc d’Aumale et de Guise, contenant les affaires de France et les négociations avec l’Écosse, l’Italie et l’Allemagne, de 1547 à 1561. (Publié sur les manuscrits originaux, p. 464-465.)