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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 12.djvu/183

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En effet, à ce moment, de formidables clameurs, de plus en plus rapprochées de la maison, retentirent alors distinctement, et l’on entendit crier :

— Mort à Tilly ! — Mort aux Français ! — Vengeance et représailles !

— Ils viennent massacrer M. de Tilly… — balbutia l’abbé livide d’épouvante. — C’est fait de nous !

— L’abbé, vous perdez la raison, — reprit la marquise s’efforçant de s’abuser encore sur le péril ; cependant elle pâlissait et ses dents se heurtaient de terreur. — Nous massacrer… pourquoi ? qu’avons-nous fait à ces misérables gens-là ?

— Madame… n’entendez-vous pas ces cris : — Vengeance et représailles ? — dit mademoiselle de Plouernel. — Ces gens viennent venger sur nous les atrocités commises par les soldats de votre maître ! son indigne trahison envers cette république a fait exécrer le nom français. Vous avez eu sur moi d’indignes projets ! je vous pardonne et vous plains du fond de l’âme… car vous craignez la mort… Moi, je remercie Dieu !… je vais sans doute quitter cette triste vie… Bientôt j’aurai rejoint ma mère dans le monde mystérieux où l’on va renaître !

Les paroles de mademoiselle de Plouernel, prononcées avec un accent inspiré, furent à peine ouïes de la marquise et de l’abbé, foudroyés par l’épouvante. Le danger devenait de plus en plus menaçant : l’on entendait dans la maison les pas précipités, les cris des serviteurs effarés qui fermaient avec fracas les volets intérieurs du rez-de-chaussée ; la porte, très-épaisse et garnie de gros clous de fer, pouvait arrêter les assaillants pendant quelques instants ; mais déjà ils l’ébranlaient à coups de hache et de crosses de mousquet, tandis qu’une volée de pierre, lancée du dehors et accompagnée d’une nouvelle explosion de cris furieux, fit voler en éclats les vitres de la salle où se tenaient les trois Français. L’étoffe des rideaux fermés amortit le jet des pierres, dont les plus grosses vinrent cependant rouler aux