Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 12.djvu/212

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garer de son impitoyable fils… aussi opiniâtre tu es — à la poursuite de ta colombe — que les gabeleurs sont acharnés — à la poursuite du pauvre monde.

(Madok-le-Brotaër rentre de nouveau dans la maison de la fiancée, puis il ressort bientôt, amenant par la main une belle matrone de trente ans environ, et il reprend :)

— En mon grenier je suis monté ; — les dîmes, les redevances que nous arrachent — le roi, le château et la cure — ne laissent guère chez nous moisir — les gerbes après la moisson. — En mon grenier, pourtant, j’ai trouvé, — échappé par hasard à la rapacité des receveurs, — ce bel épi mûr aux grains savoureux et dorés (montrant la matrone) ; — ce bel épi consolera ton pigeon, — et plus il ne regrettera sa colombe.

paskou-le-long le baz-valan. — Tant savoureux, tant dorés qu’ils soient, — les grains de ce bel épi mûr — ne tenteraient pas mon pigeon. — Las ! en perdant sa petite colombe blanche — il a perdu le boire et le manger. — Ami, ami, je t’en conjure, — va voir en ton cellier, si d’aventure — ma colombe n’y serait pas réfugiée.

madok-le-brotaër. — Sois satisfait… mais, par le ciel ! — les gens du fisc royal — venant dans nos pauvres maisons — établir taxes et redevances, — moins bien que toi savent fouiller — un logis de la cave au grenier ; — donc je vais voir si, d’aventure, — ta colombe est réfugiée dans mon cellier.

(Madok-le-Brotaër rentre une troisième fois dans la maison de la fiancée, d’où il ressort bientôt, tenant par la main une femme très-âgée, d’une figure vénérable, et il reprend :)

— En mon cellier je suis allé, — je n’y ai point vu ta colombe, — mais j’ai trouvé un bon vieux fruit (montrant l’aïeule), — depuis longtemps, bien longtemps cueilli… — Il a, malgré ses rides, conservé saveur et parfum. — Un bon fruit gagne avec le temps. — Je t’offre celui-ci pour ton pigeon.

paskou-le-long le baz-valan. — Certes, ami, les rides d’un bon fruit — sont loin de nuire à sa qualité ; — toujours nourrissant et salubre, — il semble plus précieux, plus doux encore, — lorsque, l’hiver venu, — ont disparu les fruits éphémères. — Mais, las ! mon pigeon n’a souci — ni de ton bon vieux fruit — ni de ton bel épi mûr, — ni de ton frais bouton d’églantier. — Va, si tu le veux, semer tes perles — devant monseigneur notre gouverneur. — Ce que mon pigeon veut, — c’est sa petite colombe blanche. — Elle est ici, je le sais. — Tu refuses de me la rendre ? — J’irai donc la chercher moi-même.

madok-le-brotaër. — Ami, je t’épargnerai cette peine. — Viens avec moi, Baz-valan, viens, — ta petite colombe n’est pas perdue, — c’est moi-même qui te l’ai gardée ; — gardée en une cage d’ivoire — aux barreaux d’or et d’argent. — Oui, elle est ici, ta colombe ; elle est ici toute gentille, — toute belle, toute parée, toute joyeuse. — Ton beau pigeon point ne mourra.


Le Brotaër ouvre alors la porte de la maison au Baz-valan. Celui-ci fait signe à Nominoë de descendre de sa monture, le prend par la main et l’introduit dans la demeure de la fiancée, suivi de ses parents et de ses amis. Tina paraît bientôt, conduite par le Brotäer,