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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 12.djvu/233

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— Je ne discute pas avec vous, — répondit Berthe avec une dignité sévère ; — je vous ai fait connaître mes intentions… Réfléchissez… sinon vous serez châtié… je vous en donne ma parole…

Le soudard mordit sa moustache avec une rage contenue. Il en coûtait à son brutal orgueil et à sa convoitise de relâcher les prisonniers qui l’avaient désarmé et qu’il comptait rançonner, puis faire pendre. Il savait d’ailleurs, par mille précédents, n’avoir guère à craindre la sévérité de son colonel, parfaitement indifférent, ainsi que tant d’autres seigneurs, chefs de régiments, aux violences de leurs soldats envers les citadins et les paysans ; mais le soudard savait aussi M. de Châteauvieux fort galant. Or, il était impossible qu’il refusât le châtiment d’un obscur bas officier à une personne aussi belle et d’une aussi grande naissance que mademoiselle de Plouernel. À la suite de ces réflexions, le sergent ôte son chapeau, et, s’inclinant respectueusement devant Berthe : — J’obéirai aux ordres de mademoiselle… Ces paysans vont être remis en liberté. Mademoiselle ne nuira pas, je l’espère, dans l’esprit de mon colonel, à…

— Non… mais je vous le déclare, si, durant les quelques jours que je dois passer à Mezléan, j’apprenais quelque nouvelle insolence de votre part, je serais sans pitié pour vous…

Le sergent s’inclina de nouveau respectueusement devant mademoiselle de Plouernel et se dit tout bas : — Brigands de Bretons ! vous allez triompher de mon humiliation… Mais patience ! je me vengerai ! cette noble demoiselle ne sera pas toujours ici…

Et La Montagne alla rejoindre son détachement qui, parmi ses prisonniers, dont plusieurs étaient gravement blessés, retenait Madok-le-Meunier, Salaün Lebrenn et son fils. Ce dernier, lors de la rixe soulevée par la brutalité du sergent, s’était élancé à bas de son cheval et, confiant Tina aux soins de son aïeule, avait désarmé l’un des soldats. Puis, cédant aux avis de son père et voyant la lutte impuissante, il se laissa, sans résistance, lier les mains par ordre du soudard. Au bout de quelques instants, le nom de mademoiselle de