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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 12.djvu/296

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énorme, inouïe de ses vassaux causait toutes sortes d’éblouissements, — si j’accepte votre code, ce sera la paix ?… D’où il suit que si je refusais…

— Dame ! alors ça serait la guerre, monseigneur ; et, voyez-vous, ça serait votre faute, non la nôtre ! — répond froidement Tankerù. — Enfin, pour tout régler d’un coup, nous vous demandons qu’il vous plaise mettre en liberté trois prisonniers que vous détenez ici. Vous voulez les faire pendre… or, nous ne voulons point qu’ils soient pendus… Donc, monseigneur, il faut nous les rendre, s’il vous plaît… sinon…

— Sinon ?… — s’écrie le comte de Plouernel, sentant sa patience à son terme. — Achève, double traître ! Si je refuse de mettre ces prisonniers en liberté, que ferez-vous ?

— Dame ! monseigneur, nous les délivrerons nous-mêmes… nous sommes en force…

— C’en est trop ! — s’écrie le comte de Plouernel, exaspéré, — je vais… — Mais il s’interrompt, et prêtant l’oreille du côté où venait le vent, il tressaille de surprise et, s’adressant à l’abbé : — N’est-ce pas le bruit du tocsin que j’entends au loin ?

— Oui, monseigneur, — dit Tankerù d’une voix sourde encore contenue, mais déjà menaçante. — Dès que la lune s’est levée, le tocsin a sonné dans toutes les paroisses de vos seigneuries de Plouernel et de Mezléan… il sonne à cette heure dans toutes les paroisses de Bretagne !… Il sonne à Rennes ! à Nantes ! à Quimper ! où l’on se bat ! Partout c’est la révolte ! partout ce sera la guerre !… si nos seigneurs refusent d’accepter le code paysan !… — Et étendant la main dans la direction de l’avenue où était rassemblée la troupe de vassaux, le forgeron ajoute : — Tous les gens de Plouernel et d’autres paroisses sont là en armes ; ils attendent votre réponse, monseigneur !… Ça sera la paix si vous signez le code paysan et si vous nous rendez les prisonniers… sinon, feu et flammes ! ce sera la guerre ! — s’écrie Tankerù avec une expression terrible, — la guerre !…