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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 12.djvu/318

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gères promesses, dissoudre leur armée, puis qu’on les écraserait…

— Et peut-être devait-il en être ainsi ?

— Hélas ! oui, mademoiselle !… Ces promesses étaient un piège, un leurre ! mais ce leurre séduisit la crédulité des paysans, déjà fatigués d’ailleurs de ce commencement de campagne, regrettant leurs clochers, leurs femmes, leurs enfants laissés dans leurs villages… En vain leurs chefs les adjurèrent de rester unis, de ne pas se fier aux promesses de M. de Chaulnes, de marcher sur Rennes, lieu ordinaire des séances du Parlement ; alors, cette assemblée, soutenue par l’armée des paysans, par le peuple, par la bourgeoisie de cette ville, aussi soulevés, imposerait ses lois au gouverneur de Bretagne ; et ensuite, afin d’assurer l’exécution de ces lois, l’on organiserait une force capable de résister aux troupes royales.

— Ces conseils ne furent pas écoutés ?

— Non, mademoiselle… Les vassaux, joyeux de voir leurs espérances réalisées, ne pouvant croire, disaient-ils, que monseigneur le gouverneur osât leur mentir vilainement, se séparent, retournent par bandes dans leurs paroisses, proclamant partout sur leur passage l’acceptation du code paysan par les seigneurs et les curés. Grande allégresse dans toutes les paroisses de Bretagne ! partout on allumait des feux de joie !… Instruit à Guéméné de la dispersion des révoltés, je m’informai des chefs ; j’appris que MM. Lebrenn et Serdan s’étaient rendus à Rennes. J’y allai… Le peuple, la bourgeoisie, moins crédules que les paysans, demeuraient toujours en armes, ainsi qu’à Nantes, attendant l’ouverture du parlement, promise par M. le duc de Chaulnes et par lui remise de jour en jour. Durant le temps que je passai à Rennes, je cherchai en vain MM. Lebrenn et Serdan ; j’appris plus tard leur départ pour Nantes, j’y allai. En arrivant, je sus qu’un corps de dix mille hommes de troupes, commandés par M. de Forbin, venait d’entrer en Bretagne afin de frapper les rebelles d’un terrible châtiment… parlementaires, bourgeois ou paysans… Le lendemain, la ville de Nantes était occupée, sans résis-