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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 12.djvu/325

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furent rigoureusement gardées ; nous ne pouvions sortir de la ville. Quelques amis dévoués nous offrirent un refuge, mais il fallait, à moins de vouloir nous perdre, nous et nos hôtes, nous cacher séparément. Je quittai mon père et Serdan. Ils furent découverts dans leur retraite. Serdan, surpris pendant son sommeil, fut arrêté. Le lendemain, il était pendu. Mon père a du moins échappé à cet infamant supplice. Retranché dans sa chambre et bien armé, il s’est intrépidement défendu ; il est mort, m’a-t-on dit, percé de coups !… Le lendemain fut proclamé, à son de trompe, un arrêt du gouverneur, portant la peine capitale contre ceux qui, à l’avenir, donneraient asile aux chefs de la sédition, condamnés à mort. J’entendis, du fond de ma retraite, la proclamation de cet arrêt. Je voulus me livrer, afin de soustraire mon hôte, homme généreux, à la terrible responsabilité qui pesait sur lui. J’étais d’ailleurs las de la vie. La ruine de nos projets de révolte, la mort de mon père, de Serdan, de Tina, ma fiancée… que vous dirai-je, Berthe, la certitude d’être aimé de vous, l’espoir de renaître bientôt, le cœur plein de mon divin amour ! tout me poussait au-devant de ce qu’ils appellent la mort… Cependant, je regrettais, je l’avoue, de ne pas vous avoir revue une dernière fois sur cette terre… Mon hôte, effrayé de ma résolution de me livrer, la combattit vivement ; me voyant inébranlable, il me proposa un moyen d’évasion, disait-il, presque certain, quoique bien étrange…

— Ce moyen étrange, quel était-il, Nominoë ?

— Le cimetière des protestants de Nantes est situé hors des murs, en signe de réprobation. Il est maintenant défendu aux pasteurs des réformés de les accompagner jusqu’à leur dernière demeure ; mon hôte me proposa de m’enfermer dans un cercueil. Deux hommes, dont il répondait, me transporteraient hors la ville, comme s’ils eussent conduit un protestant défunt à sa dernière demeure. Vous devinez le reste. Ainsi, j’ai pu sortir de Nantes ; dès lors obsédé par le désir de vous revoir, Berthe, une dernière fois, j’espérais vous trou-