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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 12.djvu/42

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république universelle brisera pour jamais le double joug de l’Église de Rome et de cette royauté franque qui, depuis dix-huit siècles et plus, opprime la Gaule conquise et asservie ! 



Cejourd’hui, 29 septembre 1610, moi, Antonicq Lebrenn, dans la soixante et unième année de mon âge, j’achève ici, dans notre métairie de Karnak, ce récit sommaire des événements accomplis en France depuis 1573, époque à laquelle nous avons quitté La Rochelle. Ma sœur Thérèse et son mari Louis Rennepont habitent toujours la vieille cité protestante ; ils viennent chaque année nous voir ici. Mon beau-frère, lors de plusieurs voyages qu’il a faits à Paris, s’est fréquemment trouvé en relations avec plusieurs huguenots très-bien informés des affaires publiques ; ses entretiens avec eux, des extraits de divers livres publiés sur les hommes et les choses du dernier siècle et du commencement de celui-ci ont fourni à Louis Rennepont des matériaux qu’il me destinait. Ainsi, j’ai pu, dans ma solitude, retracer brièvement et fidèlement les faits les plus remarquables des règnes de Charles IX, de Henri III et de Henri IV.

Depuis bientôt trente-sept ans, j’ai épousé ma chère et digne femme Cornélie Mirant (elle m’a donné mon fils Stephan au bout de dix années de mariage). Nous avons vécu ici, dans notre métairie, près des pierres sacrées de Karnak, et non loin de Craig’h, colline élevée où, selon notre légende, était bâtie la demeure de notre aïeul Joel au temps de Jules César et d’où l’on découvre au loin la mer et l’île de Sèn, retraite sacrée des druidesses. Chaque jour je ressens le bonheur d’être revenu, moi et les miens, au berceau de notre famille. Mon oncle Joséphin le franc-taupin est resté près de nous jusqu’à la fin de sa longue carrière, il est mort le 12 novembre 1589, environ cinq ans après la naissance de notre bien-aimé fils Stephan, qu’il a bercé sur ses genoux, ainsi qu’il avait