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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 12.djvu/64

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plus par suppliques, mais par résolutions. La royauté se débarrassa donc de ces surveillants incommodes en ne les convoquant plus, et frappant les impôts sous son bon plaisir. Cependant, il restait une ombre de représentation nationale, à savoir : les parlements, chargés d’enregistrer les édits, ce à quoi, en 1648, le parlement de Paris ne voulut consentir que sous de graves réserves, effrayé des ruineuses dépenses de la reine et de ses créatures. Furieuse colère à la cour ! Anne d’Autriche, révoltée de ce que ces canailles de robins hésitent à enregistrer les édits, se rend au Parlement (le 15 janvier 1648), accompagnée de son fils, le jeune roi Louis XIV, persuadée qu’intimidées par la majestueuse et royale présence de leurs souverains, ces récalcitrantes canailles du Parlement n’oseront refuser d’enregistrer purement et simplement les cinq édits bursaux nécessaires à remplir le trésor, complètement à sec. Ainsi dit, ainsi fait. Le roitelet, nourri, embecqué du despotisme maternel, et déjà aussi insolent que rogue, se rend en grande pompe au Parlement avec Anne d’Autriche ; celle-ci, le front menaçant, le sourcil froncé, l’altitude olympienne, prend un masque de Junon courroucée, pendant que le chancelier du roi expose les besoins de son sire. Omer Talon, avocat général du Parlement, répond simplement, dignement, ces nobles et austères paroles, adressées au roitelet :

— Il y a dix ans, sire, que la campagne est ruinée, les paysans réduits à coucher sur la paille, leurs meubles vendus pour le payement des taxes, qu’ils sont incapables de payer et qui servent à entretenir le luxe de Paris ; des millions de malheureux sont obligés de se nourrir de pain de son et d’avoine. Ces malheureux ne possèdent que leur âme, seule chose qui ne puisse se vendre à l’encan. Les habitants des villes, après avoir payé l’impôt de la subsistance, payé l’impôt du quartier d’hiver, payé les étapes, payé les emprunts, acquitté le droit royal et le droit de confirmation, sont encore menacés de nouvelles taxes ! Il faut que le Parlement enregistre la création de nouveaux offices qui sont une charge per-