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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/128

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égaré. La malédiction du Seigneur me poursuivait ! — Et le petit Rodin soupira et se frappa la poitrine. — Enfin, tout à l’heure, passant devant votre maison, je me suis senti si fatigué, si fatigué… que je suis tombé de lassitude à votre porte, en priant de tout mon cœur le bon Dieu de me venir en aide… Il a daigné exaucer la prière de son petit serviteur, puisque vous avez pitié de moi, mon bon monsieur, ma bonne dame.

— Tu passeras la nuit ici, cher enfant, et demain matin l’on le reconduira chez ton parrain

— Hélas ! mon bon monsieur, ce saint homme va être bien inquiet… il me croira perdu !

— Il est malheureusement impossible de calmer actuellement ses inquiétudes ; mais demain, cher enfant, il les oubliera en te revoyant… Maintenant, dis-moi, as-tu faim ? as-tu soif ?

— Non, ma bonne dame ; j’ai seulement grand, grand sommeil.

— Je le crois bien, — répond Bethsabée s’adressant à son mari. — Après tant de fatigues et d’anxiétés, ce pauvre petit doit être harassé…

— Mais où le coucher, chère femme ?… nous n’avons qu’un lit.

— Oh ! mon bon monsieur… ne vous gênez point pour moi… je dormirai très-bien là, si vous le permettez, — dit vivement le petit Rodin avisant d’un œil scrutateur et désignant du geste un coffre dont le couvercle, recouvert de cuir et rembourré, formait un banc placé au fond de la salle basse.

— Je ne songeais pas à ce coffre… — dit Samuel. — L’enfant a raison ; à son âge, l’on dort partout… En le couvrant chaudement, il passera la nuit là, presque aussi bien que dans un lit.

— Je vais aller chercher un coussin et un manteau, afin que ce pauvre petit soit couché le mieux possible, — répond Bethsabée en sortant un instant.

Le garçonnet s’assoit et se blottit comme s’il ne pouvait résister plus longtemps à la lassitude et au sommeil, penche sa tête sur sa