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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/243

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me promets-tu… de ne pas attacher plus d’importance qu’il n’en mérite… à un fait que je vais te raconter ?

— Quel fait ?

— Tu vas le connaître… mais, je te le répète… ne va pas croire qu’en te le racontant, je veuille éveiller en toi le moindre espoir.

— Au sujet de ton père ?

— Oui…

— Ce fait pourrait donc s’interpréter favorablement en ce sens ?

— Oui… à la rigueur… peut-être… et encore… seul un esprit trop prompt… trop enclin à espérer… pourrait, au risque d’une cruelle déception, trouver dans le fait dont je parle… une certaine analogie avec…

— Achève… je t’en prie… achève…

— Je ne sais maintenant si je le dois…

— Pourquoi ?…

— Bonne mère… sois sincère… avoue que, malgré toi, une lueur d’espoir… lueur presque imperceptible a pénétré dans ton âme ?…

— Non… pas précisément… cependant… malgré moi… tes paroles… l’expression de ta figure… éveillent je ne sais quelle curiosité remplie d’angoisse… Parle… je t’en conjure…

— Eh bien, après la prise de la Bastille, nous avons pénétré dans les bâtiments intérieurs, moi et quelques camarades du quartier ; nous sommes entrés au greffe ; là, nous avons saisi les registres d’écrou où est inscrite l’époque de l’emprisonnement de chaque détenu… Nous parcourions ces registres, lorsque la date de l’an 1783 arrête mes regards…

— C’est en cette année que ton père a disparu, le 21 avril…

— Cette raison seule attirait mon attention sur cette date… Or, je lis dans le registre : — 22 avril 1783 — 1927 — écrouéordre supérieurcachot n° 18.

— 22 avril 1783… — répète madame Lebrenn d’un air pensif.