Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/250

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jeune artisan ; — et ses votes, ses discours à l’Assemblée nationale ont justifié notre choix… Tu as entendu aujourd’hui, mon père, de quelles acclamations chaleureuses, cordiales, le peuple l’a salué.

— Ainsi, — dit le vieillard pensif, — M. l’avocat Desmarais te doit son élection ?

— Il la doit à son mérite… à son civisme… J’ai seulement désigné M. Desmarais au choix de ceux de nos concitoyens qui ont confiance en moi.

— En somme, tu as puissamment concouru à son élection… Je ne m’étonne plus qu’il te traite en ami, en égal… Mais il y a loin, mon fils, des paroles aux actes… Aussi, encore une fois, je doute qu’il consente à te donner sa fille…

— Ah ! mon père… ce doute ne viendrait pas même à ton esprit, si tu connaissais cet homme excellent… Quel dédain sincère il témoigne pour les vaines distinctions de la naissance et de la fortune…

— Peut-être lorsqu’il s’agit des priviléges de la noblesse… — reprend Victoria, jusqu’alors silencieuse et pensive. — Les préjugés du tiers état sont bien tenaces… Certes, ses députés à l’Assemblée nationale se sont en majorité montrés ardemment hostiles aux priviléges exorbitants de la noblesse et du clergé… Ils sont résolus de subordonner le pouvoir royal à leur assemblée souveraine… Mais, jusqu’ici, le tiers état n’a défendu que ses intérêts…

— Ma sœur… n’as-tu pas entendu, il y a une heure, les éloquentes protestations de M. Desmarais ?…

— Oui… et je l’avoue… si défiante que je sois… il m’a paru convaincu…

— Et puis, ma sœur, si tu savais quelle adoration M. Desmarais a pour sa fille… Ah ! je te le jure… eût-il tous les préjugés de sa classe… il céderait devant le désir de rendre sa fille heureuse…

— Ah ! c’est un ange… un ange que mademoiselle Charlotte ! — reprit madame Lebrenn. — Il n’y a qu’une voix dans le quartier