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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/306

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Frantz de Gerolstein est interrompu par le retour de Jean Lebrenn. À peine est-il entré dans la chambre, que Victoria, remarquant la pénible expression des traits du jeune homme, devine sa déconvenue et lui dit tristement :

— Hélas ! pauvre frère… M. Desmarais t’a refusé la main de sa fille ?

— Il est vrai… — répond Jean avec accablement, et résolu d’ailleurs, de crainte d’affliger sa sœur, de lui cacher l’odieux prétexte dont M. Desmarais avait coloré son refus ; car elle se serait amèrement reproché d’être la cause involontaire de la ruine des espérances de son frère, elle que l’avocat accusait d’avoir été la maîtresse de Louis XV !

Un moment de triste silence avait régné parmi les membres de la famille Lebrenn après les quelques mots échangés entre le frère et la sœur ; puis le vieil aveugle reprit en soupirant :

— Il n’en faut plus douter… les préjugés de la bourgeoisie seront aussi incurables que ceux de la noblesse !

— Quand on pense que ce M. Desmarais se faisait tout à tous ! ! traitait notre fils en égal ! — ajoute madame Lebrenn. — Pauvre mademoiselle Charlotte… elle qui t’aimait tant… quel doit être son chagrin… mon fils !

— Elle m’a courageusement promis… noblement juré en face de sa famille, de n’avoir jamais d’autre époux que moi, ou de rester fille toute sa vie… — répondit le jeune artisan. À ce souvenir, des larmes baignèrent ses yeux ; il les essaya du revers de sa main et reprit d’une voix émue : — La promesse si touchante de mademoiselle Charlotte me donnera du courage… me consolera de notre séparation… j’attendrai… Qui sait… son père changera peut-être un jour de résolution !

— Ah ! ces bourgeois… ces bourgeois !… De quelle sotte et ridi-