Aller au contenu

Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/43

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Berry, fille du régent, débordements qu’il tolérait, qu’il encourageait presque, donnaient une effrayante créance aux bruits d’inceste incessamment répétés ; on ajoutait, — cela du moins était une calomnie avérée, — que Philippe d’Orléans voulait attenter à la vie du roitelet Louis XV, afin d’usurper la couronne. Le Parlement, soutenu par le cri de l’indignation publique, rend, le 12 août 1718, un arrêt qui réduit la banque de Law aux proportions de sa fondation comme banque particulière, et défend aux directeurs de cette banque de garder aucuns deniers royaux. Le 26 août, le régent, en présence de Louis XV, et parlant au nom de ce marmot couronné, reproche durement au Parlement, mandé au Palais-Royal, de s’immiscer dans les affaires de finances, et lui défend d’enregistrer désormais aucun arrêt les concernant. Le régent, ainsi délivré de la surveillance du Parlement, si insuffisante qu’elle fût, institue la banque de Law Banque royale, et donne cours forcé à ses billets, non plus remboursables en espèces, croyant ainsi trouver dans le papier-monnaie un trésor inépuisable. Moyennant ces privilèges exorbitants, la banque de Law s’engageait à prêter au trésor deux cents millions pour combler une partie de la dette. — Tout parut d’abord aller pour le mieux. L’attrait de la nouveauté donna une telle faveur au papier-monnaie, et l’argent fut à ce point déprécié, que l’on ne pouvait acquérir des actions de la banque de Law qu’avec de l’or. En octobre 1719, ces actions, émises au taux de cinq cents francs, atteignirent le chiffre fabuleux de vingt mille francs. La frénésie de la spéculation s’empara de toutes les classes de la société. La rue Quincampoix, où se tenaient les bureaux de la banque de Law, regorgeait de spéculateurs. On citait des fortunes énormes réalisées en un jour par ces agiotages. Le luxe, la prodigalité, atteignirent à des proportions inouïes, insensées ; la démoralisation publique suivit la même proportion ; le mépris des gains modestes, honnêtes, laborieusement gagnés, jeta les citoyens dans les aventures, dans les désastres d’un jeu effréné ; des ruines foudroyantes, des suicides, des meurtres, furent la sinistre contre-