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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/56

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courtisans, toujours si jaloux de favoriser, de servir les vices du maître afin de tirer honneur et profit de leur ignoble assistance ; le duc de Richelieu, exaspéré de l’apparente continence de Louis XV, entreprit de le lancer de gré ou de force dans la débauche. Le roi aimait passionnément la chasse et la table. Un soir, Richelieu, à souper, l’enivre et met dans le lit de ce prince une des plus jolies femmes de Versailles, la comtesse de Mailly, comptant sur elle pour dépraver Louis XV. Il n’en fut rien d’abord. N’ayant ni ambition ni cupidité, madame de Mailly ne vit dans ce royal amour qu’une affection douce à son cœur ; mais le premier frein rompu, le roi, jusqu’alors retenu par sa timidité ainsi que par la peur du diable, ne garda bientôt plus aucune mesure ; l’énormité de ses débauches dépassa, s’il est possible, le débordement des mœurs de son aïeul Louis XIV. Madame de Mailly était l’aînée des cinq filles de l’ancienne maison de Nesles. Louis XV séduisit la sœur de sa maîtresse, et la rendit mère, après quoi elle fut mariée au marquis de Vintimille ; une troisième sœur de Nesles, la duchesse de Lauraguais, devint aussi favorite de Louis XV. Ce sire trouvait du piquant à cette manière d’inceste, et donnait ainsi un effrayant exemple du mépris de toute pudeur, de toute réserve. L’exemple fut suivi, la cour de Versailles rappela les temps les plus scandaleux de la régence.

Pendant que le clergé, la cour, la royauté s’avilissaient à l’envi, deux hommes d’action et de génie, Dupleix et Labourdonnais, le premier, au cœur de l’Inde, à Chandernagor ; le second, à l’Île de France, où tous deux étaient agents de la Compagnie des Indes, autrefois fondée par Law, imprimaient au commerce maritime une impulsion inouïe. Le port de Lorient, nouvelle ville entièrement fondée par la Compagnie des Indes, devenait l’un des ports de commerce les plus florissants de l’Europe. Les navires français faisant presque seuls le trafic des Indes en France, et de la France avec les Indes, semblaient se multiplier chaque année ; en un mot, la France qui, lors du système de Law, ne possédait que trois cents na-